Levi ≡ My pride is the one to blame

(+) L’histoire de ses parents n’a jamais été officielle. Emily n’était, après tout, qu’une maîtresse dans son couple qui battait de l’aile, qu’une femme parmi tant d’autres qui partageait son bureau, sa voiture, des endroits insolites, pendant que son épouse, avec qui il était marié depuis tant d’années, ne se doutait de rien et élevait les gamins. Du moins, c’est ce qu’elle disait à qui voulait l’entendre. Son Finn, un homme fidèle, courtois, intelligent, qui n’était finalement pas un si bon parti que ça, mais qui avait tout pour lui malgré tout. Longtemps critiquée, il lui a fallu un certains temps pour faire comprendre à son entourage que Finn méritait qu’on le respecte. Alors, lorsqu’elle a appris ses nombreuses trahisons, il n’était pas question pour elle de tout ficher en l’air, de se prendre en pleine figure les « je te l’avais dit », « il n’était pas fait pour toi ». Au lieu de ça, elle taisait ses aventures et le menaçait de tout lui faire perdre s’il recommençait. Menaces à l’effrayer ; tout ce qu’il avait, sa fortune, sa carrière, ce n’était pas grâce à lui, mais bien à elle qui l’a propulsé en avant de la scène avec son nom reconnu de tous.

(+) Emily est malheureusement tombée enceinte. Cette grossesse, personne ne l’a vu venir, même pas elle. Il lui a donné de l’argent, a été là pour elle, mais a caché la grossesse à tous. Finn ne souhaitait pas que son monde s’effondre, que sa fortune disparaisse, alors il a pris soin de cette femme fragile qui s’enfonce, au fil des années, dans un gouffre.

(+) Le gamin qu’est Levi, qui grandit petit à petit, voit sa mère aller de plus en plus mal. La justice a eu raison d’elle, ne l’a pas protégée. Elle, la victime, qui est tombée entre les griffes d’un homme sans scrupule, mais qui a assez d’argent pour se faire défendre par les meilleurs, a été mise à terre. Insultée de menteuse, traînée, Emily devient la poupée d’une chose qui semble si insignifiante lorsqu’on la voie, mais si mortelle lorsqu’on y goûte. La drogue, sa nouvelle meilleure amie. Les seringues, ses nouveaux accessoires. Pour se payer le tout elle utilise l’argent que Finn lui donne, normalement là pour nourrir Levi qui ne mange plus à sa faim. Le gosse observe sa mère s’écrouler, fréquenter des hommes avec qui elle couche en échange de billets ; elle n’en a jamais assez pour planer.

(+) Six ans. L’âge où les enfants commencent à bien se servir d’un vélo, où on leur apprend à bien lire, écrire. Pour Levi, ce n’est rien de tout ça. Lui, il apprend à jeter des seringues, à placer une couverture sur le corps froid de sa mère, à se blottir lorsqu’elle s’endort. C’est ce qu’il a fait le jour où elle a fermé les yeux à tout jamais. Aucune respiration, aucun bruit, pas même un ronflement ou une plainte. Rien. Levi a pris son bras et l’a entouré autour de lui, parce qu’elle avait beau être une mère indigne, elle trouvait toujours le temps de lui offrir un petit cadeau le jour de son anniversaire. Un jour important qu’il ne fête plus aujourd’hui.

(+) La garde, c’est son père qui l’obtient, à contre cœur. Il l’embarque avec lui à Londres, dans cette ville où tout réussi à son père, où il a un nom qui n’est plus à faire. Sa venue dans la famille est un véritable fardeau. L’épouse de Finn le voit comme un cafard à éliminer. Un insecte qui mettra en péril tout ce qu’elle a construit si toute la vérité venait à se faire savoir, alors pour tout le monde, il n’est pas le gamin de Finn, mais celui de sa nourrice avec qui Finn couche dans les placards, dans la salle de bains, sur la table de jeux.

(+) Finn est ce qu’il est. Un homme à femmes, insatiable, sans aucune tendresse envers son fils, aucun regard, ni même mot pour l’encourager, mais Levi retient cependant une chose : il l’a sauvé. Il l’a pris avec lui. Et ça, il lui en est reconnaissant. Grâce à lui, il a connu les écoles privées, l’université de Londres. Au fond, même si les résultats viennent de lui, Levi a toujours eu l’impression qu’au fond, il n’était qu’un moins que rien, mais il ne le montre à personne. Seule au courant, sa meilleure amie, Elizabeth, qu’il rencontre à l’université. Ensemble, c’est beau. Une belle amitié, des confidences, aucun jugement. Ils ne peuvent se passer l’un de l’autre, si bien que lorsqu’il décide de partir de Londres, elle décide de le suivre. Elle a compris qu’il souhaitait s’émanciper, s’éloigner de sa famille, se prouver à lui-même qu’il pouvait être quelqu’un sans leur aide. Ne pas vivre dans l’ombre de quelqu’un qui a fait de lourdes erreurs dans la vie de Levi, mais qui a cependant été là pour le conseiller dès lors qu’il en avait besoin, même lorsqu’il ne demandait rien. Les affaires, c’est son truc à Finn. Et ça devient celui de Levi.

(+) A l'âge de vingt-sept ans, il se marie avec sa meilleure amie. Par intérêt pour Levi et Elizabeth qui s'improvisent couple devant tout le monde. Elle pour se couvrir, faire taire les mauvaises langues, lui pour donner une image plus respectable. A côté de ça, ils fréquentent d'autres personnes, avec toute la discrétion du monde. Impossible pour eux de s'abstenir, mais inimaginable de flirter ensemble. Ils ont pourtant essayé, mais c'était bien trop étrange. Leur relation est donc claire, sans aucune ambiguïté. Ils se soutiennent, s'épaulent dans n'importe quelle situation, prennent la défense de l'un et l'autre devant quiconque dira des horreurs. Parce qu'ils sont bien plus que des amis. Ils se considèrent comme frère et sœur. L'âme-sœur amical existe bien.

(+) Il a rencontré une femme, Lou, depuis quelques mois. Elle l'attire plus que de raison. Levi la désire, à un point où la dernière fois, il a approché son visage du sien. Ils étaient à quelques centimètres l'un de l'autre et il aurait pu aller plus loin, s'il ne s'en était pas empêché. Levi ignore ce qu'elle lui fait, comment elle s'y prend pour le rendre dingue comme elle le fait, alors qu'aucune autre n'avait réussi à attirer son attention, pas comme ça. C'est effrayant, mais une chose est sûre, c'est que cette demoiselle, il la veut et il n'est pas question de laisser un autre obtenir ce qu'il désire.


A l’extérieur, des rires d’enfants se font entendre. C’est ses petits voisins qui courent après un ballon, qui se le disputent pour gagner une coupe de fortune, fabriquée par les mains de leur grand-mère. Levi les connait, sort souvent sur le perron pour les observer sans se joindre à eux. Il n’est pas habitué, lui, à être heureux, à s’amuser. Ce qu’il sait faire, en revanche, c’est ramasser les seringues et s’occuper de sa maman, comme il devrait le faire à l’instant même où il a vu l’accessoire tomber de sa main et rouler jusqu’à ses pieds, mais il ne bouge pas, reste figé sur place. Sa mère a les yeux ouverts qui le fixent sans vraiment le regarder. Hésitant, Levi s’approche, écrasant l’accessoire mortel au passage et s’agenouille près de sa mère. « Maman ? » murmure-t-il, sans obtenir de réponse. Il délaisse le cadeau qu’elle vient de lui offrir pour son anniversaire et qu’il n’a même pas eu le temps de déballer, pour poser ses mains sur sa mère. Cette belle femme, blonde aux yeux clairs, comme les siens. « Maman ? Tu dors ? » Levi part récupérer la couverture, comme à chaque fois qu’elle s’endort et tente de lui réchauffer le corps de cette manière. Il prend place à ses côtés, enroule le bras de la femme autour de lui, mais celui-ci ne le serre pas, alors il le fait pour elle. Il se blottit dans ses bras, colle son oreille contre son cœur qui ne bat plus. Son souffle ne caresse plus sa nuque. Le corps de Levi est soudainement pris de spasme et c’est seulement lorsqu’il sent des gouttes atterrir sur sa main accrochée à elle qu’il comprend que c’est dû à ses sanglots.



Il y a quelques mois

« Comment s’est-il débrouillé, tu peux me dire ? » lance-t-il, sèchement à son bras droit qui détourne les yeux. C’est sa marque de fabrique. Levi est sec, autoritaire, surtout lorsque les choses ne se passent pas comme prévu. Il faut dire qu’il avait un gros dossier et l’affaire pouvait être gagnée les mains levées, mais l’abruti à qui il a laissé une chance de montrer ses preuves à fait quelques erreurs de parcours, si bien qu’il se retrouve avec un témoin important en moins. « Tu étais là, non ? » Leigh acquiesce d’un signe de tête et s’efforce de se tenir bien droit. Lui, il est le premier à savoir que face à un Levi furieux, il faut dire les choses franchement et rapidement. Son patron est un impatient, Leigh le sait très bien, puisque pour en être arrivé là, pour avoir toute sa confiance, il a dû travailler dur et fort, jusqu’à se faire remarquer. L’homme ne s’attendait cependant pas à devenir proche d’un homme qui terrifie ses employés. Leigh s’est rendu compte, au fil du temps, que celui que l’on ne comprend pas toujours, est en réalité quelqu’un de bien, sur qui l’on peut compter. Combien de fois il s’est fait secourir par Levi sans rien devoir donner en retour, il ne compte même plus. Leigh lui a rendu la pareille. C’est à ce moment-là que Levi a compris qu’en plus d’être un type professionnel, Leigh pouvait être un véritable ami. Depuis, il suffit qu’ils s’échangent un regard pour saisir un message qu’ils veulent se faire passer. Un « SOS, sors-moi de là », ou « je vais la tuer, occupe-toi de ça à ma place ». Ils sont tout simplement proches l’un de l’autre. « Levi, il débute dans le métier. Il a fait une erreur. » « Quelle erreur ! » s’emporte-t-il. « Monsieur Grayson ? » Levi jette un œil à son assistante qui pénètre dans la salle de réunion, mais furtivement seulement, puisqu’il revient très vite sur Leigh. « Dévoiler le nom d’un témoin qui souhaitait rester anonyme durant toute l’affaire à la presse, tu appelles ça une petite erreur de débutant ? Qu’est-ce qu’il voulait faire ? Effrayer un gars qui a bien plus de relations qu’il n’en aura jamais dans sa vie ? » Leigh baisse les yeux, parce qu’il sait très bien qu’il n’y a aucune excuse à donner et qu’il ne va pas pouvoir obtenir les bonnes grâces de Levi afin d’aider cet avocat un peu maladroit sur les bords à garder sa place au sein du cabinet. Levi n’aime pas les empotés. Et la seule issue possible pour ce jeune avocat, qui pourrait lui être favorable, c’est qu’il rattrape le coup. « Monsieur Grayson, excusez- » Agacé, Levi la coupe dans sa lancée : « Ne voyez-vous donc pas que je suis en pleine conversation ? » Il se tourne vers l’assistante qui a, derrière elle, quelques personnes. D’autres avocats qui travaillent pour lui et qui ont certainement entendu quelques bribes de la discussion houleuse. « Monsieur Grayson, excusez-moi de vous déranger, mais les personnes conviées à votre réunion sont arrivées. » Toujours aussi peu calmé, il se tait, se contente de hocher la tête pour lui donner le feu vert. Elle les laisse passer, tandis que Levi adresse quelques mots à Leigh : « On reprendra plus tard. » Leigh acquiesce, puis tire une chaise, proche de celle de Levi. Son regard balaye furtivement les avocats qui prennent place, sans leur adresser le moindre mot, pas même un bonjour, trop énervé. Et c’est là, pile à ce moment, que ses yeux croisent les siens. Cette brune qui attire tout de suite son attention, qui est figée et qui, en se rendant compte qu’elle est observée, tire maladroitement sur sa chaise avant de s’installer, laissant tomber une feuille par terre. Levi fait le tour de la table, se penche vers la feuille et la pose en face d’elle. « Bonjour. » dit-il, à tout le monde, gardant l’index sur la feuille. « Maintenant que vous avez tous vos dossiers sur la table et que vous êtes prêts à vous y mettre, on va pouvoir commencer. » lâche-t-il, en s’éloignant de la demoiselle, de son odeur, de cette attraction.